- Héloise Georget/Foucaud
Clefs de lecture : l’œuf
L’œuf, qui puise sa racine latine ovum, signifie oiseau.
Il est le symbole de la vie en gestation et de la connaissance parfaite; il représente aussi le cosmos et le principe fécondant qui l'a engendré (Eros-Phanès).
Plusieurs traditions religieuses et courants philosophiques utilisent ce symbole: le christianisme, le judaïsme, l'orphisme, le pythagorisme, le néoplatonisme, la kabbale, l'hermétisme, l'alchimie. Plusieurs divinités et symboles sont en relation avec l’œuf: La Terre Mère, Eros-Phanès, Léda; Dieu le Père, le cosmos, le vase, l'athanor, l'utérus, la vie, la nuit, l'eau, la mort, la lune, l'androgyne, la pierre philosophale, l'aigle, le phénix, la lumière de Dieu, la mandorle, l'auréole.
L'archétype de l'ovale est répandu dans l'histoire de l'humanité dès les âges les plus reculés, tissant un réseau de correspondances entre civilisations et cultures apparemment très éloignées les unes des autres.
La plupart des mythes imaginent l'univers sous forme d’œuf ou comme tirant son origine d'un œuf. Celui-ci représente la cellule primordiale qui contient en germe la multiplicité des êtres et il est l'image de la totalité originaire antérieure à toute différenciation. Symbole de la vie en formation, de la fertilité et de la perfection, l’œuf renvoie aux principales images archétypales liées aux mythes de la scission génératrice.
A travers le symbolisme de l’œuf, l'art, la philosophie et la religion ont approché le mystère de la vie. Des idoles "ovoïdes" sont répandues dans l'iconographie occidentale et orientale, du mandala tibétain au yin et yang chinois et jusqu'à la mandorle du mysticisme chrétien, expression de la nature divine de Jésus-Christ et symbole de Résurrection. La tradition des œufs de Pâques est liée à la Résurrection par la venue du printemps. En effet par le retour de la ponte, la réapparition des œufs dans les nids de poules était interprétée comme un signe de retour à la vie après l'hiver, modeste métaphore de la Résurrection du Christ. Dans les églises médiévales, l’œuf représente l'instrument de l'illumination intérieure: c'est pourquoi il est montré dans une position élevée et visible de tous les fidèles.
L'expression "œuf alchimique" résulte de la forme d'un récipient où couve l'oeuvre alchimique. Comme matrice de la création, l'athanor remplit la même fonction germinative et nourricière que l'utérus féminin: la gestation de la pierre philosophale doit en effet reproduire la gestation biologique.

Ce tableau dont le titre est Leda Atomica est une oeuvre réalisée par Salvador Dali. Elle est située au Théâtre Musée DALI de Figueres en Espagne. Il faut savoir que pour les peintres appartenant au mouvement surréaliste, l’art n’est pas un moyen de montrer la réalité telle qu’elle est mais telle qu’elle est vécue inconsciemment, sans le contrôle de la raison et de la morale religieuse ou sociale.
Ici c'est une oeuvre figurative car on reconnait des éléments du réel : il s’agit d’un portrait de Gala (l'épouse de Dali). Elle est assise sur un piédestal, un cygne l’entoure. Gala l’effleure de sa main gauche, l’animal semble vouloir lui donner un baiser. Autour d’eux flottent divers objets. Cette œuvre est un portrait de face. Mais Gala est mise en scène : elle apparaît comme Léda. L’œuvre est donc autant un portrait qu’une peinture à caractère mythologique.
Histoire mythologique de Léda:
Zeus, voyant Léda, la femme du roi de Sparte Tyndare, se baigner dans le fleuve Euratos, la désira. Pour s’en approcher, il conçut la ruse de demander à Aphrodite de se changer en aigle et de faire semblant de le poursuivre, lui-même métamorphosé en cygne. Léda prit entre ses bras le pauvre cygne effrayé, et Zeus en profita pour s’unir à elle. Mais le même jour, Léda avait aimé son mari, et deux œufs résultèrent de ces unions, chacun contenant deux enfants : Castor et Pollux et Hélène (de Troie) et Clytemnestre.
Cette huile sur toile, de 61cm /45cm, est certainement l’œuvre la plus connue et la plus originale concernant le mythe de Léda. Très impressionné par l’explosion d’Hiroshima, Dali peignit cette toile en 1949 durant sa période de mysticisme nucléaire. Désireux d’atteindre une perfection mathématique absolue, il se fit aider par les calculs du mathématicien Matila Ghyka, un spécialiste du « nombre d’or ». Le nombre d’or vient d’un calcul et d’une formule d’Euclide (Antiquité) et définit ce que l’on a appelé, dès la Renaissance, la divine proportion. Cette formule mathématique pouvant servir à mesurer de nombreux éléments naturels (quartz, fleurs…), l’idée qu’elle était une preuve de la création divine a été lancée. De là, la divine proportion est devenue un critère de beauté utilisé dans de nombreux arts (architecture : Parthénon, Pyramides, peinture : De Vinci, Botticelli…). La divine proportion a, par exemple, été utilisée dans ce célèbre dessin Homme de Vitruve de De Vinci.
Dans un style hyperréaliste, aux couleurs froides, Léda (Gala) et le cygne ( Zeus– Dali ) s’inscrivent dans un pentagone. Léda, assise sur un socle, les jambes reposant sur des marches, pieds flottant dans l’air, caresse amoureusement la tête du cygne dont les ailes l’entourent avant l’étreinte. Tout y est suspendu dans l’espace sans que rien ne touche rien. Sur une mer bleue acide, des objets flottent en lévitation : livre rouge (Bible?), gouttes d’eau cristallisées, coquilles d’œuf, ainsi qu’une équerre formant le A d’Atome. La lévitation semble associer à un idéal de chasteté. Le tableau nous montre l’œuf né des amours de Léda et de Jupiter déjà éclos, coquille vide, fruit de cette immatérielle procréation.